Ce matin de la mi-mai, d’épais nuages couvrent le ciel. Une pluie drue se déverse sur le domaine de Chaumont-sur-Loire (Loir-et-Cher), nourrissant la végétation printanière, encore luxuriante. Les prairies et les pelouses laissent paisiblement éclore les milliers de bulbes en fleurs aux dégradés de couleurs douces. Plus abondantes que cet hiver, les précipitations d’avril et de mai, trop tardives pour avoir le mérite de recharger les nappes, ont opportunément apporté un peu de répit à ce patrimoine végétal avant que la sécheresse, de plus en plus précoce, n’impose sa loi. Dans quelques semaines, une grande partie des 35 hectares du domaine sera « jaunie comme dans la savane »,compare Chantal Colleu-Dumond, qui préside aux destinées de Chaumont-sur-Loire depuis 2007. Le jardinier en chef, Daniel Driancourt, employé du domaine depuis vingt-huit ans, observe que« les prairies sont dorénavant sèches quasiment toute l’année, y compris en hiver. Avant, on devait les traverser avec des bottes. »
Ce domaine, qui accueille le célèbre Festival international des jardins, fondé en 1992 par Jean-Paul Pigeat, n’a pas attendu que les sujets climatiques et le manque d’eau deviennent les grandes préoccupations de l’époque. Depuis qu’elle en a pris les rênes, Chantal Colleu-Dumond porte une attention particulière aux questions environnementales : « Respecter le végétal, utiliser l’eau de façon raisonnable, n’avoir recours à aucun intrant chimique font partie de notre philosophie »,affirme-t-elle. « Notre comportement volontariste est passé un peu inaperçu, oblitéré par la créativité. »
Bénéficiant d’une dérogation préfectorale « au titre des Monuments historiques, dont les jardins sont reconnus en tant que patrimoine végétal », le domaine arrosera tout l’été les 5 hectares de jardins du festival et les parcelles attenantes. Une nécessité pour Chantal Colleu-Dumond, qui a retenu le thème des « jardins résilients » comme fil rouge de la 31e édition du festival : « Si on arrête d’arroser, tout mourra et plus personne ne viendra. On désensibilisera le public »,craint-elle. « Pour préserver le vivant, il faut travailler la question de l’eau avec subtilité. »
Les jardiniers doivent adapter leurs besoins aux contraintes spécifiques du lieu. Il est, par exemple, impossible d’ajouter des gouttières sur la toiture du château : « Les Monuments historiques s’y refusent »,explique le jardinier. De petites mares de rétention, dans lesquelles prospèrent des Gunnera, ont fait leur apparition, absorbant les eaux de pluie. « Nous voulons prélever ce qui vient du ciel et récupérer le surplus qui arrive très vite »,résume la directrice, écartant l’idée de creuser de grandes bassines. Un choix encouragé par Daniel Driancourt : « Le meilleur endroit pour stocker l’eau reste la terre. Les retenues en surface privent la terre et accélèrent son assèchement. Le cycle de l’eau n’est pas respecté. »
Pour arroser les parcelles, les jardiniers puisent déjà dans un forage, construit il y a quinze ans dans le parc historique. L’emplacement de cette cuve enterrée de stockage de l’eau – redistribuée dans les trois parcs du domaine – avait alors été défini par un sourcier. « On ne peut pas dire que nous manquons d’eau »,reconnaît Daniel Driancourt. Néanmoins, l’irrigation, centralisée par un réseau informatique, est réglée comme du papier à musique. L’arrosage s’effectue de nuit ou le matin très tôt par micro-aspersion pour éviter l’évapotranspiration. « L’ordinateur a le mérite de nous fournir des indications précises sur les consommations. Mais je souhaite que quelqu’un passe quotidiennement sur chaque secteur pour vérifier le bon fonctionnement, s’assurer qu’il n’y ait pas de fuites et ajuster s’il faut le faire. » Ce système semi-automatisé a gagné en fluidité. En 2017, le domaine a engagé un programme de renouvellement de son matériel afin d’accentuer sa chasse au gaspillage.
S’ajoutant au stress hydrique, qui fragilise chaque année les arbres séculaires, les pics de température inquiètent le jardinier qui a observé, l’été dernier, les conséquences sur les charmes, les cèdres etles lauriers du Caucase, qui ont brûlé. En réponse, les allées et les bosquets du parc ont été reboisés avec des platanes ou des micocouliers, plus résistants à la chaleur, tandis que du lierre a été planté de part et d’autre du pédiluve dans la cour de la ferme. « C’est très généreux, ça n’a pas besoin d’être arrosé ni d’être tondu »,justifie Chantal Colleu-Dumond, qui a demandé au paysagiste britannique James Basson de relever le défi de semer, à l’entrée, l’équivalent d’une pelouse, composée de sédumset d’une trentaine de végétaux différents. « La première année, on arrosera toutes les semaines. L’année suivante, plus du tout »,promet la directrice.
Chaumont-sur-Loire, qui a accueilli l’an passé plus de 530 000 visiteurs, revendique son rôle « de laboratoire du vivant ».C’est notamment ce qui a séduit la philosophe Cynthia Fleury, qui a réalisé pour cette 31e édition un jardin relié à sa Charte du Verstohlen (« ce qui ne peut être volé »), exprimant « les 10 points non négociables pour habiter le monde et préserver “la vie bonne” ». Elle a été particulièrement sensible à l’œuvre « de médiation scientifique » entreprise au début du printemps par le paysagiste Bas Smets, qui a planté dans les prés du Goualoup 27 essences d’arbres susceptibles de résister au réchauffement climatique, ainsi qu’à celle de James Basson. Ces œuvres permettent de « faire l’expérience sensorielle de cette question de la résilience et de l’envie de prendre soin de la nature ».
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